Lorsqu’on est éducateur sportif, on se retrouve à travailler avec différents publics. Dans cette partie, on va se concentrer sur le public senior au côté de Julien Heunet. C’est un éducateur sportif spécialisé, titulaire de deux BPJEPS, (APT et AF). ainsi que d’un certificat de spécialisation animation et maintien de l’autonomie de la personne (CS AMAP). Cela fait 5 ans qu’il travaille en tant qu’auto-entrepreneur avec ce public pour une tranche d’âge entre 60 et 99 ans. Nous y verrons différents axes comme l’administratif, la pédagogie, l’aspect financier entre autres. Nous terminerons par le plus beau moment vécu par cet éducateur au contact de ce public.
L’approche administrative
Sur le plan administratif, une fois diplômé, Julien s’est renseigné sur les structures qui allaient ouvrir prochainement. Pour démarcher : “Je me suis présenté bien avant l’ouverture. Après il y a eu un petit échange lointain par mail pour garder contact jusqu’au moment venu. Au départ c’était le directeur. Après c’était le ou la responsable d’animation , la coordinatrice de résidence ou d’autres qui prenaient le relais avec moi”. Une fois cela réalisé : “ je suis allé proposer une séance découverte, totalement gratuite. De cette manière , on pouvait avoir les ressentis des pratiquants. Ensuite, on voit avec le personnel ce qu’on peut faire. Une fois que c’est convenu, je fonctionne via une convention de partenariat”.
Cette convention est renouvelable tous les ans. Cependant, pour Julien, sa par tacite reconduction. Cela présente des avantages : “Cela permet d’être un peu CDIsé” mais aussi des inconvénients : “je ne peux pas augmenter mon taux horaire”. Être auto-entrepreneur ne lui a jamais posé de problèmes. D’après Julien : “Ce qu’il faut c’est une maîtrise du sujet et une bonne gestion de l’administratif afin de pouvoir professionnaliser son entreprise« .
L’approche financière
Pour une séance d’une heure, Julien facture entre 50 et 70€ en fonction du lieu. Quand il donne des cours à domicile, il descend à 45€ la séance et met en place une carte de fidélité avec au bout de 9 séances payées, la 10ème est gratuite. Cependant il recommande pour un débutant de démarrer entre 40 et 50€ en résidence. En fonction du type de structure, certains fonds sont disponibles. Quand il s’agit d’une collectivité, ça va être des fonds spécifiques :”notamment quand je suis à Chicourt car ils ont un budget de la CARSAT”, quand c’est en résidence senior, chaque senior participe ou non aux activités.
Donc là il y a un budget d’animation : ”Ce budget permet de me rémunérer” confirme Julien. Face à l’inflation, il devrait augmenter ses tarifs et paiera donc de la TVA : “Quand je serai redevable de TVA, ce qui devrait être le cas l’année prochaine, auprès des particuliers, on coupera la poire en deux. Donc pour un cours à 45€, avec la TVA 55€, je vais donner 5€ de ma poche. Il faut que ça reste abordable”
L’approche physiologique
Connaître bien le public senior, ça passe par des connaissances physiques sur les capacités des personnes du troisième âge “C’est essentiel de bien se renseigner sur les caractéristiques du vieillissement pour savoir ce qu’il se passe au niveau musculaire, articulaire, osseux ou au niveau de la mémoire.” De plus, si un éducateur sportif veut travailler avec un public senior, il ne faut pas laisser de place à l’imprévisible, il faut que sa séance soit carrée et qu’il crée une situation. En fonction de cela, il faut que sa séance ait des variables simplifiantes et complexifiantes. L’éducateur donne des consignes globales, mais il faut qu’il sache s’adapter et individualiser l’activité si une personne a des difficultés. 5
Les séances durent une heure. En fonction de l’activité, elles sont effectuées à différents moments de la journée : “Si je prends l’exemple du cours de relaxation, c’est bien de le faire juste avant un repas. Par rapport au système nerveux, ça va amener une détente, un calme et ça va potentialiser la digestion. Par contre, pour le cours de gym douce classique, je recommande le début d’après midi comme ça le senior a deux heures de digestion, le temps de faire une petite sieste. Pour le cours, il doit être entre 14h30 et 17h”.
Une connaissance des maladies
Travailler avec le public senior nécessite également de bien connaître les maladies liées au vieillissement. Il faut être en capacité de pouvoir aider le participant à réussir son objectif en fonction de ses possibilités. Si on prend l’exemple de la maladie d’Alzheimer qui est une altération de la mémoire à court terme, d’après Julien : “il est très important de verbaliser une action et de mettre en confiance la personne”. Selon lui, il faut se servir de la mémoire à long terme : “notamment la mémoire sémantique qui est celle des savoirs”. Voici un exemple d’exercice que cet éducateur réalise avec des personnes atteintes par cette maladie : “Lorsque je suis avec des personnes qui sont dans les premiers instants de la maladie d’Alzheimer, pour un exercice de renforcement musculaire, je vais compter de 2 en 2”.
Mais quel est l’objectif ?
Pour Julien et les éducateurs travaillant avec un public senior, il faut lutter contre l’involution : “ce sont les baisses des capacités physiques et cognitives”. Pour combattre l’involution, il faut avoir une vision réaliste mais encourageante.Il faut leur expliquer que c’est normal d’observer une baisse de leurs capacités, cependant, il faut accompagner la personne : “il vaut mieux continuer à travailler pour éviter que la descente ne soit trop brusque”. Une baisse certes, mais contrôlée. Le sport amène une qualité de vie qui permet de vivre un peu plus longtemps. Il y a 5 piliers : la gestion du stress au quotidien, l’activité physique, l’alimentation, la respiration et le sommeil. Tout ça mis bout à bout, il va y avoir des répercussions sur le fonctionnement des gènes.
L’approche psychologique
Cependant, une grande partie de ce travail est aussi très psychologique. En effet, il faut rassurer le senior et l’amener progressivement vers les objectifs que vous allez fixer avec lui “C’est très important que dès l’échauffement, les participants se sentent à l’aise. Mieux vaut arriver avec un grand sourire qui mettra tout le monde d’accord plutôt que d’arriver en étant introverti. Le ressenti montré par l’éducateur dès l’échauffement va définir si le senior va aimer ou non le cours”. Ce cours, c’est un échange entre l’éducateur et son public.
Les seniors avec lesquels Julien travaille peuvent être en collectivité, dans des résidences seniors, des Ehpad, des foyers d’accueil médicalisés et même à domicile, c’est très diversifié. Ce qui change, c’est l’approche. D’après lui “dans un Ehpad, il faut être vraiment proche de la personne au cas où elle perdrait l’équilibre. Donc au sein de ces établissements, on favorise la marche et les déplacements”. A l’inverse, dans une résidence où les seniors sont encore autonomes : “On peut se permettre des petites subtilités lors des exercices, ce qui va provoquer un petit stress mais qui sera bon pour la santé”. Une approche différente en fonction des besoins spécifiques de chacun mais qui amène toujours à des résultats.
Comment être conservé par un établissement ?
Pour que l’établissement conserve un praticien, tout se joue sur trois facteurs. Dans un premier temps, il y a le ressenti des participants. S’ ils vous apprécient, c’est déjà un très bon point. Le deuxième, c’est la fréquentation des cours. Être apprécié est essentiel, seulement cela ne fait pas tout. Il faut faire en sorte d’avoir des cours avec du public. Le dernier facteur est de continuer à se former tout en étant en poste afin de développer des nouvelles compétences. Il est aussi très important d’effectuer des tests d’autonomie. D’après Julien : “Tous les 6 à 8 mois, je fixe un test d’autonomie avec les pratiquants pour savoir où on se situe. Je range ensuite tout ça dans fichier excel qui me permet de faire un suivi”. En combinant ces trois facteurs, très souvent l’éducateur est conservé par l’établissement
Une collaboration avec le personnel médical ?
Dans le cas de Julien Heunet, il travaille souvent avec : “j’ai un ami ostéopathe qui n’hésite pas à me recommander et je fais de même. Sinon, quand j’interviens en résidence sénior, il y a toujours un échange avec le kinésithérapeuthe de chacun des participants à mes cours”. Il travaille également dans des foyers de vie ou d’accueil. Là bas, il interagit très souvent avec les éducateurs spécialisés et les professionnels de santé . Afin de se mettre d’accord sur proposer.
Quels sont les conseils pour les futurs éducateurs ?
“Pour les stagiaires, il ne faut pas hésiter à se former, à lire des livres traitant de ces sujets. En complément de mes diplômes d’Etat , j’ai passé des diplômes de pilate sur plusieurs niveaux, j’ai passé un certificat de naturopathe spécialisé en diététique, un certificat de sophrologie. Il faut continuer à se former. Après j’ai beaucoup lu sur la préparation physique, la physiologie, l’alimentation. Il faut également prendre l’individu dans une approche holistique, globale. Si je dois recommander un livre pour les stagiaires, ce sont “Les tests de terrain” éditions 4trainer. »
« Cela pourra permettre d’avoir une base pour proposer une évaluation diagnostique à ses pratiquants. De plus, ce livre peut aussi être utilisé dans les sports collectifs ou les sports individuels. Par exemple, il y a un test de détente qui peut être intéressant pour le basket. Pour l’adulte et le senior, il faut évaluer à l’instant t le niveau des pratiquants. Après, il faut effectuer toute une progression , puis on réévalue pour voir si l’approche pendant un cycle a des bénéfices pour tout le monde”.
Apporter son matériel est un plus pour l’éducateur. Si certaines structures mettent en place un budget pour, ce n’est pas toujours le cas. Julien recommande de prévoir entre 300 et 500€ de budget matériel avec par exemple : des dés en mousse, des coupelles, des cerceaux, des ballons, des échelles de rythme, des flèches à mettre au sol, des pastilles avec des chiffres, des lettres de l’alphabet et des signes opératoires. Cela permet déjà de réaliser un grand nombre d’activités. Dans ce cas, il faut le stipuler sur la convention de partenariat.
Travailler avec le public senior nécessite donc une approche psychologique, physiologique et il faut également savoir s’adapter à toutes les situations possibles.
Son meilleur souvenir avec le public senior
Chaque personne a toujours un moment isolé qui ressort. Pour Julien : “Mon meilleur souvenir avec le public senior est arrivé la semaine dernière. C’est une dame qui s’appelle Marie-Thérèse qui a fait un AVC. Tout son côté gauche est paralysé. Au tout début quand je suis arrivé dans cette résidence senior il y a 5 ans, elle venait à mes cours. Et puis, du jour au lendemain, quand le cours est passé du rez-de chaussée au 4ème étage, elle n’est plus jamais revenue car elle a une crainte des ascenseurs. La semaine dernière, elle est revenue voir mon cours en me disant qu’elle venait simplement pour regarder et qu’elle ne pouvait rien faire. »
« Je la convaincs d’essayer et du coup je me suis adapté en fonction de son handicap. Et sur la fin de cours de la gym équilibre, j’ai fait travailler un peu la coordination. Il y avait un exercice de renforcement musculaire où le pratiquant devait trouver un mot de dix lettres et il devait le verbaliser en effectuant une action de motricité. Par exemple, quand c’était une voyelle, je devais tendre uniquement ma jambe droite. Quand c’était une consonne c’était la jambe gauche. Au moment où je suis arrivé à Marie-Thérèse, je me suis adapté à son handicap en lui disant que la voyelle c’est la jambe droite et la consonne le bras droit.«
« Elle me dit qu’elle préfère essayer comme tout le monde. inalement, elle a réussi à mobiliser le côté gauche de son corps. Elle est repartie avec un grand sourire, très contente et m’a même demandé de devenir son kiné. Quand je suis parti, j’étais satisfait car quand je suis arrivé, la personne m’a dit que c’est impossible de bouger le côté gauche de son corps. Mais c’est un cercle vicieux. Elle a réussi à briser ce cercle et elle a été applaudie par tous les participants de la séance”.
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